La première exposition de la galerie remonte à janvier 2005. Depuis, nous, Alice van den Abeele et Raphaël Cruyt, avons cumulé plus de 140 expositions en galerie, une vingtaine en tant que commissaires indépendants, et même co-créé le musée d'art contemporain bruxellois MIMA, ouvert de 2016 à 2025. Si l'on fait le compte (hors année Covid et sieste estivale de juillet et août), cela signifie que nous avons organisé une exposition toutes les cinq semaines, présenté le travail de centaines d'artistes, attiré des dizaines de milliers de visiteurs et, surtout, bu 11 550 litres de bière en canettes de 0,33 l. Ça fait beaucoup d'« appréciation artistique ».

En deux décennies à planter des clous dans les murs, le monde a changé – et nous aussi. Mais une chose est restée constante (probablement ancrée dans le métier) : le plaisir de découvrir et de partager les créations des artistes. Comment pourrait-on s'en lasser ? C'est comme être un enfant le matin de Noël, à chaque fois. Les œuvres d'art qui nous entourent ne sont pas que des décorations ; elles stimulent notre imagination, suscitent des émotions et apportent même une touche de spiritualité. Elles reflètent le meilleur et le pire de l'humanité – et suscitent donc naturellement le débat et, par extension, façonnent la société. C'est ça, le métier de galeriste : on s'interroge constamment sur le rôle de l'art dans le monde, tout comme les cinéastes, les architectes et les éditeurs.

Nos choix artistiques ont évolué au fil du temps. Au début, nous étions obsédés par l'idée de présenter une œuvre en phase avec son époque. Le début des années 2000 était en effervescence : Internet, réseaux sociaux, vols bon marché, smartphones… Le monde évoluait à une vitesse vertigineuse, et l'art sortait des ateliers, envahissant les murs des villes comme les étendards d'une nouvelle utopie. Et ensuite ? Vous connaissez la suite. L'excitation a laissé place à une angoisse existentielle : débats polarisés, montée de l'extrémisme et menace d'une catastrophe planétaire. Soudain, plus personne ne croyait vraiment qu'Adam et Ève seraient sauvés par une application pour smartphone. Pour nous, l'art présenté en galerie est progressivement devenu un havre de paix, une petite oasis d'émerveillement, à l'abri de la folie du monde. Un lieu où se ressourcer, où garder foi en cette étrange espèce de primates en baskets à laquelle nous appartenons. Les expositions que nous organisons sont, en quelque sorte, notre réponse épicurienne au chaos quotidien du monde. Bien sûr, nous simplifions les choses. Soyons honnêtes, chaque œuvre mérite sa propre histoire. Avec le recul, nous nous demandons : avons-nous vraiment suivi une vision préétablie ? Ou avons-nous simplement suivi notre instinct, montrant ce qui nous fascinait sur le moment, pour finalement réaliser plus tard, par un heureux hasard, que tout cela prenait sens avec le recul ?
Une chose est sûre : les œuvres que nous exposons sont faites pour être vécues, pas pour être rangées. Nous vendons des icônes grandeur nature pour un usage quotidien. Le plaisir de l'œuvre avant tout, ou rien.

Accès

Bus 71 - arrêt St Boniface